On m’a souvent conseillé les romans d’Henri Loevenbruck, et, souvent, c’était des gens qui partageaient mon avis (enthousiaste) sur les romans de Ploum… mais ma PAL étant ce qu’elle est, et mon temps disponible n’étant pas étirable… ce n’est que ce mois-ci que j’ai, enfin, lu un de ses livres… et grand bien m’en a pris car je l’ai vraiment beaucoup aimé !

Je vous fais le pitch

« Pour ne rien regretter », c’est l’histoire de Véra. Un roman écrit à la première personne car Véra nous raconte sa propre histoire… à sa manière bien à elle comme le lecteur s’en rendra très vite compte.

Je m'appelle Véra parce que mes parents m'ont donné le nom d’une petite fille qui était morte, et c’est pas toujours évident de porter le nom d’une petite fille qui était morte, et c’est pas toujours évident le nom d’une morte, au niveau du devoir. Mais c’est un joli prénom, tout de même, et avec seulement quatre lettres, en plus. Véra c’est “voir” au futur, ce qui est déjà pas mal, comme ambition. À l'envers, ça fait “a rev”, et c’est encore mieux pour l’espérance.

Dés le départ, on ne peut qu’être étonné par ce style si singulier. Cela m’a tout de suite fait pensé à « La vie devant soi » d’Émile Ajar (enfin de Romain Gary quoi). Romain Gary nous transmettrait les mots de Momo, forcément enfantins donc, Henri Loevenbruck nous transmets ceux de Véra… et Véra est mainfestement atteinte d’un trouble de la sphère autistique. C’est la faute de monsieur Asperger, comme elle dit, et ça rends sa perception différente, intéressante et précieuse.

Dés le début du roman, Véra explique qu’elle vit seule avec sa mère depuis que (…) papa a décidé d'arrêter de vivre, parce que c'était devenu très fatigant pour lui de pas se jeter par la fenêtre, mais qu’elle est aussi très proche de son oncle Freddy, un oncle d’adoption car c’était le meilleur ami de ses parents. C’est cette oncle Freddy qui participe à sa prise de conscience écologique :

Je ne sais pas… peut-être, parce que j'ai fini par comprendre qu'on a été vraiment très cons de pas faire plus attention à la nature, nous, quand on était minots, et qu'on l'a trop abîmée. On s'en foutait un peu, c'était pas nos affaires. Mais vous, vous avez pas le choix. Va falloir que vous la répariez, à cause de nous. Et comme il me semble bien que tu l'aimes, toi, la nature, je me dis que peut-être ça pourrait te donner des idées sur quoi faire quand tu seras grande.

Car, oui, « Pour ne rien regretter », ce n’est pas que la vie de Véra, c’est surtout une fable écologique, un symbole d’esperance et un appel à la résistance. Véra est à la fois douloureusement consciente du déglinguement climatique en cours, lucide sur son lien avec Goliath, une multinationale qui symbolise à elle-seule tous les excès du capitalisme, et soucieuse non-seulement de ne pas y participer, mais aussi de trouver les moyens de lutter contre.

Je vous donne mon avis

Je l’ai déjà dit en vous introduisant ma critique : j’ai beaucoup aimé ma lecture. J’ai apprécié Véra, mais j’ai aussi beaucoup aimé l’oncle Freddy, Soa, Haruka et Aaron, voire même j’ai beaucoup aimé Karoun. Je n’en dirais pas plus car je ne voudrais pas trop divulgacher… Je voudrais juste vous dire à quel point l’existence, et le combat, du Brasier, un groupe activiste résistant qui revendique une philosophie de la rébellion par la non-violence et la désobéissance civile dont les révendications, les valeurs et les modes d’action m’ont grandement fait penser à Extinction Rebellion, que ce soit pour sa remise en cause d’un système toxique que de la nécessité de la convergence des luttes (l’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage). Véra a une manière touchante - et qui raisonne étrangement avec notre actualité - de décrire la manière dont ce système se défends, notamment en encourageant le populisme pour éviter toute remise en cause du système.

Même s'il restait encore pas mal d'habitants qui croyaient qu'ils avaient attrapé la misère à cause de leur voisin coloré, il y en avait un paquet d'autres qui commençaient à comprendre que le problème venait d'en haut, pas d'en bas, et alors on voyait de nouveau éclore des jolis moments de fraternité populaire, comme à l'époque d'avant le béton armé comme la police.

Pour Véra, comme pour le Brasier, la Terre est notre Maison Commune et nous serions fous de ne pas la protéger, et donc de lutter contre le système qui l’agresse. J’ai d’ailleurs particulièrement apprécie les lois de la Terre qu’ils ont édictées, en s’inspirant des lois de la Robotique d’Asimov :

Première loi : la Terre est la Maison Commune de l’humain et du non-humain. Deuxième loi : un humain ne peut porter atteinte à la Maison Commune ni, restant passif, laisser la Maison COmmune exposée au danger. Troisième loi : un humain doit protéger son existence et celle de ses semblables, dans la mesure où cela n’entre pas en contradiction avec la deuxième loi.

Un livre coup de poing qui, grâce à Véra, à son écriture si singulière mais aussi à son regarde unique et faussement naif sur le Monde, porte une critique féroce de nos sociétés. Je l’ai dévoré - notamment les derniers chapitres - et j’en retiens qu’il est permis d’espérer, qu’il ne faut pas se résigner et que le militantisme peut gagner… et ça, ça m’a vraiment fait beaucoup de bien.

Couverture du livre Pour ne rien regretter
Titre
Pour ne rien regretter
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Ma note
5 sur 5 étoiles