Je vous fais le pitch

« Le grand abandon » est un roman d’anticipation qui se déroule dans un futur proche où, sans surprise, les crises actuelles se sont aggravées : le monde est ravagé par le changement climatique, les inégalités sociales ont continué d’exploser, tout comme le chômage et la précarité, alors même qu’une fraction de la population s’arrogeait l’essentiel des richesses… Dans ce monde peu réjouissant (mais pas si différent du nôtre), un phénomène se développe : les « abandonneurs ». Être abandonneur, c’est refuser les règles établies, les considérer comme obsolètes… et donc tout abandonner pour tourner le dos au « monde par défaut » (celui qu’on nous impose en nous faisant croire qu’il n’y a pas d’alternatives) pour imaginer d’autres manières de vivre, de s’organiser, de travailler… de faire société.

Le roman suit une poignée de personnages abandonneurs, assez attachants au demeurant, même s’ils servent surtout de prétextes pour faire découvrir aux lecteurs la vie de plusieurs communautés d’abandonneurs, et les inévitables frictions que cela engendre avec le monde par défaut.

Je vous donne mon avis

Comme beaucoup (le livre est chaudement recommandé par William Gibson, par Edward Snowden et par Kim Stanley Robinson), j’ai beaucoup apprécié ma lecture, pas tant pour l’histoire elle-même que pour les réflexions passionnantes qu’elle suscite en rappelant que la technologie n’est qu’un moyen, mais que la manière dont on l’utilise, ce sont des choix et qu’ils nous concernent tous, et mériteraient une plus grande mobilisation de tous.

J’avais déjà lu un premier roman de Cory Doctorow, Little Brother, qui questionnait la dérive sécuritaire associée aux outils de surveillance de masse déployés sous couvert de la lutte anti-terroriste (et donnait envie de soutenir La Quadrature du net). « Le grand abandon » est plus ambitieux et s’attaque à l’organisation même de nos sociétés. Il remet en cause l’ultralibéralisme, mais sans tomber dans le communisme ou l’anarchisme pour autant. C’est plus geek et plus intéressant que cela. Dans ses influences, Cory Doctorow cite d’ailleurs à la fois l’économiste Thomas Piketty et l’anthropologue David Graeber (qui est aussi un militant archiste). Les abandonneurs sont manifestement les héritiers des différentes associations, organisations, mouvements et collectifs actuels qui travaillent sur les notions de bien commun, de justice sociale, de démocratie réelle, d’horizontalité, etc. Ce sont les enfants des militants de l’opensource mais aussi ceux des militants qui font converger les luttes écologiques, sociales et politiques. Ça donne toujours envie de soutenir la Quadrature… mais aussi tant d’autres mouvements et collectifs ! Ça donne de l’espoir, et ça redonne envie de prendre part au mouvement… ce qu’Edward Snowden résume très bien :

Cette histoire nous rappelle que nous vivons dans le monde que nous avons de choisi de bâtir. La technologie fournit des moyens aux puissants comme aux autres, et si nous voulons une société moins surveillée et plus de liberté, il va falloir lutter pour la créer.

Edward Snowden
Couverture du livre Le grand abandon
Titre
Le grand abandon
Auteur
Ma note
4 sur 5 étoiles