Je vous fais le pitch
« Tout pour tout le monde » n’est pas un récit, il se présente comme le travail de recherche de deux universitaires militantes (les deux autrices du livre), travail qui vise à compiler une « histoire orale de la Commune de New-York » (c’est le sous-titre du livre). Après une introduction donnant le contexte historique et précisant les aspects méthodologiques de leur démarche, sont proposés une douzaine d’entretiens d’acteurices des mouvements qui ont amené à la fin des États tels que nous les connaissons et à la naissance des communes, dont celles de New-York.
Les entretiens sont recueillis de 2067 à 2072, mais permettent de se faire une bonne idée de comment les crises que nous connaissons actuellement - montée de l’extrême droite, catastrophes écologiques et sanitaires, violences et guerres - ont continué à s’amplifier, de 2025 à 2050 environ, jusqu’à déclencher des révolutions et des guerres civiles un peu partout dans le Monde, et aboutir aux développement d’une société plus égalitaire, plus démocratique, et prenant plus et mieux en compte tant les questions d’écologie que de démocratie, de genre ou de société.
Au moment où ont lieu ces entretiens, la Commune de New-York va fêter ses 20 ans, et le recul est suffisant pour un qu’une telle démarche soit efficace. Seuls douze entretiens sont présents dans le recueil « papier » mais on comprend que bien d’autres témoignages ont été recueillis, et édités dans une forme plus adapté à l’époque. Ces 12 entretiens ont l’intérêt de pouvoir donner une vision globale, que ce soit d’un point de vue géographique (les entretiens ont lieu à New-York mais évoquent des évènements dans toute l’Amérique du Nord, dans les Andes, en Chine et au Moyen-Orient) que thématique (l’écologie, la lutte contre le fascisme et contre les oppressions systémiques, les notions de famille, de commune, de genre…).
Nous avons également fait le choix peu courant de publier un modeste tirage de ce texte en papier relié. Une telle extravagance nostalgique a été difficile à justifier et, pour la version imprimée, nous nous sommes limitées à douze entretiens. Nous remercions notre éditeur papier, un petit collectif appelé Common Notions, basé à Brooklyn, qui a gardé en vie cette pratique esthétiquement élégante, bien qu'anachronique, à travers les difficiles années de la guerre civile. Aujourd’hui, iels enseignent l'impression à base de papier et l'édition en tant que pratique artistique aux jeunes gens de la Commune de Park Slope.
Je vous donne mon avis
J’ai beaucoup aimé ma lecture, c’est un vrai coup de cœur. La forme choisie, cette succession d’entretiens tels qu’ils sont menés en sciences sociales, permet de se plonger dans le futur sans avoir l’impression de lourdeur qu’on aurait à la lecture d’un essai plus classique. On s’intéresse aux différent·es interviewé·es (sans trop s’attacher, les chapitres sont courts), mais c’est surtout l’occasion de réfléchir aux différents thèmes abordés.
L'Histoire, en fait, c'est vraiment juste des gens qui racontent leur propre histoire de la façon dont iels veulent que les autres s'en souviennent.
Car, oui, le fond n’est pas en reste : l’utopie décrite est crédible et désirable, sans faire abstraction des violences qui ont eu lieu, et des traumatismes qui en ont résulté. C’est un OLNI, clairement, mais c’est surtout une utopie à laquelle on a envie de croire. C’est porteur d’espoir et réjouissant, comme un ouvrage documentaire qui aurait été ramené du futur et qui, pour une fois, donne envie de vivre dans ce futur.
Ce n’est pas sans rappeler Le grand abandon, que je viens aussi de lire, mais, étonnement, j’ai plus apprécié la forme de ce roman.

- Titre
- Tout pour tout le monde
- Auteur
- M.E. O’Brien et Eman Abdelhadi
- Ma note
- 5 sur 5 étoiles